Le Conseil Régional des Marocains de France en partenariat avec la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Etranger a organisé le 17 et 18 mai 2013, à Aix en Provence en France, la quatrième édition du dialogue des cultures et culture du dialogue sous le thème « L’art comme carrefour des cultures ». Driss Mechioukhi, président du Conseil nous transmet ses impressions sur les moments forts de cet événement.
La Fondation : Quels ont été les objectifs de cette manifestation ?
Driss Mechioukhi : ces deux journées de colloque ont concrètement permis de répondre à un ensemble de questions qui sont les suivantes : dans quelle mesure et de quelle manière l’expression artistique constitue-t- elle une possibilité de rencontre avec l’autre, au-delà des lieux communs, des clichés et des idées préconçues ? Comment l’art arrive t-il à rompre les barrières, à réduire les distances entre des personnes appartenant à des cultures différentes ? D’où vient et où réside cette alchimie secrète révélée par la mise en dialogue de formes esthétiques distinctes qui s’allient et s’assemblent pour créer une œuvre d’art plurielle ? Ces rencontres ont été également l’occasion opportune de réfléchir sur les bases épistémologiques et de baliser le terrain méthodologique et théorique de cette culture du dialogue dont nous avons parlé et que nous avons défendu lors des éditions antérieures.
La Fondation : comment l’art peut-il être un moyen de dialogue ?
Driss Mechioukhi : à un moment où la globalisation gagne de plus en plus de terrain et où l’uniformisation culturelle devient de plus en plus menaçante, l’art, quant à lui, semble transcender les frontières en les dépassant. Les expressions artistiques de tout genre constituent les lieux de résistance à cette globalisation sauvage. Tout comme la pensée, soulignait Noureddine Affaya, sociologue à l’université de Rabat, dans une communication intitulée « l’art et/ou l’interculturalité inégale », l’art a cette capacité de révéler le local, d’indexer le particulier en l’ouvrant et en l’étalant sur les voies sublimes de l’universel. L’intervention de M. Affaya a permis de mettre le doigt sur cette dimension illimitée des imaginaires en acte et qui transcendent et dépassent le contrôle des pouvoirs et des frontières. L’intervention-témoignage de Richard Martin, metteur en scène et « artisan de cette fraternité possible » (c’est son expression), a été un moment d’intense émotion et de réflexion : le directeur du théâtre Trousky de Marseille a partagé avec l’auditoire son expérience relative à la création de l’Institut International du Théâtre Méditerranéen (IITM). Cette aventure qui est partie d’un rêve a été concrétisée grâce à la ténacité et à la persévérance des différents partenaires dont l’instigateur principal est José Monléon, dramaturge et critique théâtral espagnol. Par le théâtre et grâce à cette aventure humaine, l’IITM a pu organiser des odyssées à travers les principaux ports maritimes en proposant à chaque fois des spectacles de théâtre, de danse, de musique et de rencontres avec le pays d’accueil. Cette initiative interculturelle a permis à tous les participants de faire « taire les armes afin que soient allumées les torches de la fraternité » selon l’heureuse expression de Richard Martin. « L’art et notamment le théâtre est ce qui, selon Richard Martin, permet de faire avancer la machine de l’humain ».
La Fondation : Quelles ont été les autres interventions marquantes du colloque ?
Driss Mechioukhi : Mostafa Basso, sociologue et diplomate, a, pour sa part, insisté sur l’importance vitale du dialogue entre les cultures comme moyen de rapprochement entre les peuples et les civilisations. Il a également mis en évidence les différentes correspondances qui existent, de fait, entre diplomatie et interculturalité. M. Basso a insisté sur l’importance de la reconnaissance de l’autre dans sa différence. Il a également souligné cette particularité de la Nouvelle Constitution marocaine qui a réservé une place fondamentale à la notion de « diversité dans l’unité ».
Dans une communication intitulée «Le malentendu comme paramètre chorégraphique. Regards croisés sur les danses des Peuls WoDaaBe dans des festivals en France », Mahalia Lassibille, maître de conférence à l’Université de Nice, a proposé une lecture ethnographique éclairantes des représentations relatives à l’Autre et ce à travers un groupe de danseurs subsahariens. Les échanges culturels se font aussi grâce à des représentations souvent erronées et qui sont soutenues par des malentendus partagés. Gesbert Marjory, Vatan Romain et Philémon Crété ont partagé avec l’auditoire de ce colloque leur expérience théâtrale singulière : il s’agit d’un voyage de recherche théâtrale au Tibet qui a permis à ce groupe de chercheurs en ethnoscénologie de rencontrer une ethnie dans l’Inde du nord, à Ladakh. Cette rencontre avec les élèves d’un collège de Ladakh a donné lieu à des échanges de pratiques théâtrales qui ont abouti à un spectacle.
La Fondation : avez-vous atteint vos objectifs ?
Driss Mechioukhi : En résumé, nous pouvons affirmer que ces rencontres nous ont aidé à mettre en place des outils conceptuels assez forts comme ceux de l’ « altérité », d’ « imaginaire en acte » ou encore de « relativisme culturel » dans sa relation avec la notion de l’universel. Et c’est à partir de cette base épistémologique, que nous organiseront les prochaines rencontres liées à notre thématique privilégiée, à savoir, la culture du dialogue. Les deux journées du colloque « l’art comme carrefour des cultures » ont connu un succès indéniable. La qualité des conférences présentées, les questions fondamentales qui ont été abordées lors de ces rencontres nous encouragent à aller de l’avant en installant une véritable plate forme pour ce type d’événement culturel.